Patrick DUMIRIER,
Directeur Général des Services Adjoint du Conseil général.
Les premières Assises de l’Insertion de la Guadeloupe se sont déroulées le 28 et 29 Février 2012 à l’initiative du Président du Conseil Général. Cet événement, fruit d’une volonté politique forte de donner un nouvel élan à la politique d’insertion conduite en Guadeloupe a connu un retentissement médiatique important. C’est l’occasion de revenir sur cette manifestation, en rappelant en préambule que lors de la plénière du 21 Décembre 2011, les conseillers généraux avaient de manière unanime souhaité l’intégration de l’Agence Départementale d’Insertion (ADI) au sein de l’administration départementale afin notamment de permettre au Conseil Général, chef de file de l’insertion, d’avoir un rôle plus actif dans le champ de l’insertion économique, en mobilisant et mutualisant l’ensemble des ressources de la Collectivité.
C’est sur la priorité de l’accès à l’emploi que se sont tenus l’ensemble des débats ouverts durant ces deux journées, au Palais des sports du Gosier, où plus de quatre cents personnes (élus, professionnels de l’insertion, demandeurs d’emploi, presse) ont participé aux débats des Assises. Parallèlement se tenait le Carrefour de l’Emploi, grande manifestation ouverte au public et destinée à favoriser la rencontre entre les chercheurs d’emploi, les entreprises et les organismes de formation. Ce forum a lui aussi rencontré un énorme succès avec près de 2000 visiteurs quotidiens.
L’occasion était donc donnée de faire l’état des lieux de l’insertion économique et professionnelle dans notre département.
Il est utile de rappeler le contexte de l’époque : à la fin de l’année 2011, la Guadeloupe comptait près de 57000 demandeurs d’emploi dont 7000 avaient moins de 25 ans. Près de 80000 personnes bénéficiaient du Revenu de Solidarité Active (RSA), prestation sociale à la charge du Conseil Général qui remplace depuis le 01 janvier 2011 le Revenu Minimum d’Insertion et l’Allocation Parent Isolé. La grande majorité de ces personnes présentent un très faible niveau de formation et de qualification, ce qui complique leur accès ou leur retour à l’emploi.
Il s’agit majoritairement de femmes isolées, âgées entre 25 et 34 ans, et dont la durée moyenne de présence dans les dispositifs d’insertion est supérieure à 4 ans. Une des raisons principales de cette durée tient au nombre insuffisant d’emplois à temps plein disponible au sein des entreprises du secteur marchand et à l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi disponible sur le territoire. Les emplois à temps partiels subventionnés en grande partie par l’Etat, les contrats aidés, sont les principaux motifs de sortie de l’inactivité.
Faiblesse majeure de notre public : les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires de minima sociaux en matière de formation se caractérisent en Guadeloupe, par des problèmes de sous qualification. Ainsi, plus de 75% des bénéficiaires du RSA ont un niveau initial qui ne dépasse pas la troisième. Trop de Guadeloupéens ne maitrisent pas les savoirs de base. Près d’un millier de jeunes sort chaque année du système scolaire sans diplômes ni qualification.
La formation est donc un enjeu majeur de sortie de la précarité et de l’exclusion.
Dans ce contexte, caractérisé par l’ampleur de la demande sociale et des difficultés du monde économique, la question de l’insertion sociale et professionnelle d’un grand nombre de nos compatriotes, constituait et constitue encore, un enjeu fondamental pour notre collectivité.
Lors des Assises, 5 secteurs économiques ont été ciblés, correspondant chacun à l’un des ateliers mis en oeuvre :
- La culture
- Le sport
- La croissance verte
- Les services à la personne
- L’agriculture et la pêche
Outre ces secteurs économiques, un 6ème atelier a été réservé aux questions relatives à la coordination des politiques d’insertion.
Le pilotage des politiques visant à promouvoir l’emploi relève en effet de l’Etat et de ses services ou opérateurs dans le département (Direction des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi / Pôle Emploi…). Cependant ce rôle de chef de file de l’Etat dans le champ des aides à l’emploi, à l’insertion des jeunes dans la vie sociale, à l’insertion par l’activité économique ou à la création d’activité n’empêche pas d’autres acteurs et notamment les collectivités locales de l’investir fortement.
Le Conseil Général est ainsi un acteur important en termes de prescription de contrats aidés dans le secteur non marchand. Au travers du Programme Départemental d’Insertion, de nombreux bénéficiaires du RSA sont soutenus dans le cadre de la création d’activité, du financement complémentaire des entreprises d’insertion ou de leur retour à l’emploi en entreprise.
La synergie entre les différents acteurs publics et privés intervenant dans le champ de l’emploi demande à être renforcée sur l’atteinte d’objectifs précis. A cet effet, la large concertation menée dans le cadre de la préparation des Assises de l’Insertion alimentait déjà un certain nombre de propositions. Entre autres :
- La nécessité de renforcer la connaissance et la confiance mutuelle entre acteurs de l’insertion
- Proposer la mise en oeuvre d’un guichet unique de l’insertion s’inspirant d’initiatives similaires
- Proposer une conférence des financeurs des dispositifs de formation (Etat, Région, Conseil général, …) afin de mieux harmoniser ces dispositifs et d’éviter ainsi les ruptures dans les parcours professionnels
- Améliorer la coordination entre acteurs institutionnels en amont, lors de l’élaboration des schémas stratégiques.
Pour réaliser l’état des lieux, et permettre à chacun de s’exprimer, c’est un angle très pragmatique qui a été choisi. Il s’agissait de se poser des questions simples, facilitant par la suite un travail de synthèse et le repérage de pistes de solutions opérationnelles à court, moyen et long termes. Une consigne devait être respectée : porter sur chaque secteur ciblé une interrogation particulière sur l’accès des jeunes en difficulté d’insertion, sur les filières de formation correspondantes et repérer les niches d’emploi.
Pour réaliser l’état des lieux, et permettre à chacun de s’exprimer, c’est un angle très pragmatique qui a été choisi. Il s’agissait de se poser des questions simples, facilitant par la suite un travail de synthèse et le repérage de pistes de solutions opérationnelles à court, moyen et long termes. Une consigne devait être respectée : porter sur chaque secteur ciblé une interrogation particulière sur l’accès des jeunes en difficulté d’insertion, sur les filières de formation correspondantes et repérer les niches d’emploi.
Regard sur les ateliers
Il ne s’agit pas ici de retranscrire l’exhaustivité des débats mais de faire partager quelques idées…
Les services à la personne
Le Conseil Général de la Guadeloupe a retenu comme une de ses priorités politiques le renforcement des solidarités tant entre les habitants du pays Guadeloupe, qu’entre les territoires qui la composent. L’Insertion et l’Emploi sont deux composantes de cet objectif.
Pour endiguer ces deux fléaux que constituent la dégradation du marché de l’emploi et la précarité, nous entendons renforcer notre politique de solidarité en contribuant au développement du secteur de l’Economie Sociale et Solidaire.
Ces entrepreneurs mettent l’acte économique au service des nouvelles solidarités, en répondant à des exigences éthiques : solidarité, qualités des produits et des services, moindre coût économique et social, épanouissement de l’individu, citoyenneté. L’objectif étant de promouvoir des activités rentables en termes sociaux et environnementaux, et viables économiquement. Dans le contexte de la crise économique, elles affirment leur vocation d’insertion sociale et professionnelle en apportant des réponses pertinentes aux difficultés d’emploi et de délitement du lien social, notamment en direction des personnes âgées, handicapées et des familles.
Ces Assises ont été pour beaucoup, l’occasion de repérer ces acteurs de l’économie sociale et solidaire dans le champ du développement et de l’insertion économique. L’originalité de leurs structures, la diversité de leurs offres de services, leur poids économique, leur efficacité sociale font d’elles des partenaires majeurs de la politique d’insertion et d’action sociale du département.
Les métiers de la croissance verte
L’essentiel des métiers concernés par la croissance verte correspond à des emplois existants pour lesquels des adaptations sont nécessaires notamment en termes de formation. Cette notion de « métiers de la croissance verte » concerne les éco-activités : assainissement de l’eau, recyclage et valorisation énergétique des déchets, dépollution des sites, énergies renouvelables mais également des secteurs traditionnels tels que le transport, l’agriculture et le bâtiment.
On dénombre 18 filières liées à la croissance verte dont 6 sont présentes en Guadeloupe : solaire / thermique, éolien, photovoltaïque, traitement des déchets, environnement et géothermie. Notre département dénombre 500 emplois directs dont plus de la moitié sont affectés à la collecte des déchets.
Si l’activité liée à la croissance verte dans notre département est régulière, l’essor attendu dans notre département, notamment du fait des réglementations découlant des Grenelles sur l’environnement et des avantages fiscaux et financiers rattachés à certaines réalisations, semble stagner.
Les métiers des sports nautiques et de nature
Avec ses 600 Kms de littoral et ses 400 Kms de sentiers, la Guadeloupe possède un patrimoine naturel exceptionnel qui offre un potentiel important de développement de la pratique des sports de nature et des sports nautiques. Ces activités sont très prisées par les clientèles touristique et locale, solvables, attirées par leur caractère ludique et de détente, ainsi que par les possibilités de découverte du pays. Paradoxalement, en Guadeloupe, notre regard sur le sport, est centré sur ses aspects compétitifs, et non comme secteur créateur d’emploi. C’est pourtant bien le cas avec le secteur nautique et des activités de plein air.
Les métiers de l’agriculture et de la pêche
Ces deux secteurs souffrent d’une absence de valorisation dans notre population, malgré les discours portés sur le besoin d’une autosuffisance alimentaire. Une grande partie des ouvriers agricole est d’origine étrangère, suite à une désertion du secteur par les guadeloupéens. Malgré l’importance des niches d’emploi dans l’agriculture et la pêche, des freins, liés à la représentation culturelle et sociale de ces métiers, subsistent. S’agissant de la pêche, bien que le poisson soit un produit alimentaire noble, ce métier est l’un des plus durs au monde, et le plus contraint au plan administratif. Faiblement rentable sous nos latitudes. Il faut désormais envisager la pêche sous l’angle des métiers de la mer pour ouvrir les possibilités. De même la « paysannerie » est à considérer avec des perspectives plus larges.
Les métiers de la culture et du patrimoine
L’INSEE classe les professions culturelles en plusieurs familles :
- Les professions des arts plastiques et des métiers d’art
- Les professions du spectacle vivant et de l’audiovisuel
- Les professions littéraires
- Les cadres et techniciens de la documentation et de la conservation
- Les professeurs d’art
- Les architectes.
En Guadeloupe, les principales niches ou gisements d’emplois se retrouvent dans deux familles : les professions du spectacle vivant et de l’audiovisuel d’une part, et les métiers du patrimoine d’autre part. Une vraie dynamique existe localement, ce qui induit une intense activité professionnelle et économique.
Focus sur la jeunesse
Favoriser l’insertion socioprofessionnelle des jeunes c’est avant tout poser les bases d’un contexte socioéconomique plus favorable, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. La Collectivité départementale entend pour cela fédérer les efforts des partenaires locaux autour de ce public dont le profil local est alarmant :
- Un accès à l’emploi difficile illustré par l’inscription de près de 7 500 jeunes de moins de 25 ans sur le fichier des demandeurs d’emploi.
- L’augmentation de la déscolarisation précoce et du décrochage scolaire des adolescents induisant un faible niveau de formation et limitant ainsi les possibilités d’insertion économique.
- La croissance des conduites à risques (addictions, violence, incivilités, etc.)
Ces constats avaient été largement évoqués lors des travaux relatifs au Plan d’urgence sur la jeunesse initié par le Conseil Régional et mis en œuvre en partenariat avec la collectivité départementale.
Dans certains secteurs, les entreprises assurent avoir du mal à recruter en Guadeloupe les talents dont elles ont besoin et sont ainsi contraintes de rechercher ailleurs une main d’oeuvre mieux formée et plus qualifiée.
Tout cela exacerbe dans notre jeunesse, les sentiments de disqualification sociale et d’exclusion en générant par ailleurs des phénomènes de violences et de marginalisation. Ces assises ont été le creuset de plusieurs débats où les questions suivantes ont été posées :
- Comment permettre aux jeunes d’acquérir plus rapidement une première « expérience professionnelle » ?
- Quels outils de tutorat mettre en place ?
- Comment soutenir et accompagner les initiatives des jeunes porteurs de projets ?
- Quel partenariat entre les fédérations d’employeurs et les centres de formation en faveur de l’apprentissage, de l’alternance et l’embauche en fin de parcours de formation ?
- Comment lutter contre l’exode des jeunes en milieu rural ou insulaire ?
- Comment lutter contre l’exode des jeunes vers l’hexagone ou les autres pays ?
En conclusion
Ces Assises de l’Insertion, ont d’abord été un grand moment de démocratie participative.
En effet, pour préparer ces ateliers près d’une centaine de professionnels ou acteurs associatifs ont été auditionnés. Croiser les regards sur l’insertion, découvrir où se nichaient ces emplois qui font tantdéfaut, comprendre les attentes des employeurs, entendre les regrets quant à l’insuffisance de coordination des politiques publiques et de contrôles, repérer les points d’inadaptation entre l’offre et la demande d’emploi, ces auditions ont été un exercice utile d’immersion dans la vie économique.
Mais parce que l’Insertion ne doit pas rester une affaire de spécialistes, le Conseil Général a souhaité que le plus grand nombre participe également aux débats. Ainsi un site internet a été ouvert, pour à la fois engranger les contributions des internautes, mais aussi être un lieu du questionnement, de la remise en cause, du débat tout simplement.
C’est aussi à partir des conclusions de ces Assises, que le Conseil Général a finalisé son Programme Départemental d’Insertion, adopté en avril 2012, et qui mobilise plus de quinze millions d’euros (hors versement de la prestation RSA), soit une augmentation de plus de 50% par rapport à l’exercice 2011, à destination des bénéficiaires du RSA.
Enfin, les travaux des Assises, permettront à la collectivité de conclure , d’ici la fin de l’année 2012, avec l’ensemble des partenaires, un véritable Pacte Territorial d’Insertion, outil structurant de la mise en oeuvre des politiques d’insertion en Guadeloupe.