Directeur de la Politique de la Ville, Ville de Baie-Mahault.
Le changement au menu… ou de menus changements
L’organisation de la restauration scolaire en Guadeloupe est récente. Durant les années 60, un Fonds d’action sociale obligatoire était créé.
Il avait notamment pour but, à travers la restauration scolaire, de lutter contre la malnutrition, alors largement répandue. Ainsi, un goûter constitué de laitages étaient servi aux élèves de l’école primaire avant la fin des cours de l’après midi. Ce financement collectif, par le biais des fonds provenant des caisses d’allocations familiales explique que la restauration scolaire ait connu une période de gratuité qui a existé ici ou là jusqu’à la fin des années 90.
Aujourd’hui, si le principe de gratuité est écarté, dans la majorité des cas, la participation des familles reste faible, eu égard au coût du repas.
La pris en charge est donc collective et l’équilibre budgétaire reste précaire.
Les caisses des écoles sont habituées au déficit budgétaire et aux rapports sévères de la Chambre régionale des comptes. Longtemps utilisées comme agence pour l’emploi, elles sont rattrapées par les contraintes budgétaires.
Alors que le mouvement social de 2009 appelait à l’introduction de plus de produits locaux dans les menus, pour les gestionnaires, la préoccupation est ailleurs. C’est l’existence même de cet établissement public qui se discute.
Avec la question de savoir s’il faut intégrer le personnel de l’établissement public et assurer directement le service dans un cadre d’administration communale classique ou au contraire poursuivre dans la voie qui consiste à confier la gestion de la restauration scolaire à une entreprise privée. André Palamède apporte des éléments de réflexion.
Créées par une loi du 10 avril 1867 et rendues obligatoires par celle du 28 mars 1882, les Caisses des Ecoles (CDE) avaient pour but initial de favoriser la fréquentation de l’école publique.
Malgré la vague de modernisation de la fonction publique territoriale en 1982 et les différentes réformes successives des collectivités, elles n’ont jamais véritablement bénéficié du statut d’établissement public. Leur statut d’hybride est régi par un assemblage de textes issus de la loi du 1er Juillet 1901 sur le contrat d’association et d’autres ayant trait au fonctionnement d’un établissement public, notamment le code général des collectivités territoriales.
Dans les communes de Guadeloupe, la restauration scolaire est gérée principalement par la caisse des écoles. Aujourd’hui, cet établissement public communal ne paraît plus indispensable à la collectivité. Pendant un premier temps, les communes ont voulu doter leur caisse des écoles d’une autonomie matérielle et financière, s’appuyant sur un arrêt du Conseil d’Etat du 24 mai 1963, qui a qualifié les caisses des écoles d’établissements publics locaux autonomes. Ce principe fonctionne, mais il faut constater que la recette principale de la Caisse des Ecoles provient essentiellement d’une subvention d’équilibre versée par la commune. Dès que la collectivité cesse d’assurer de manière régulière le versement de la subventions, la situation financière se dégrade au point que les délais de paiement des fournisseurs ne peuvent plus être respectés. Dans un deuxième temps, le développement des activités de la Caisse des écoles a contraint les communes à renforcer leurs moyens financiers, matériels et humains. La mise à disposition de personnel communal est devenue nécessaire, afin de ne pas augmenter démesurément la masse salariale de l’établissement public.
Au vu des observations, tant des contrôleurs de gestion des collectivités que des administrations et corps de contrôle, notamment les services préfectoraux et Chambre régionale des Comptes des Antilles et de la Guyane, il est apparu nécessaire d’établir de nouvelles relations entre les deux entités. Compte tenu de cette situation, les missions des caisses des écoles sont réduites à leur plus simple expression. Aujourd’hui, même au niveau national, la quasi totalité des Caisses des Ecoles se contentent de financer des actions ponctuelles telles que des projets des classes en milieu naturel « classe nature » ou quelques autres actions du même type, en faveur des élèves. L’objet de la caisse des écoles doit donc être reconsidéré, et ses statuts doivent être modifiés.
Du temps réduit choisi à la polyvalence imposée
En raison de la précarité qui caractérise le marché de l’emploi en Guadeloupe, les Caisses des Ecoles ont constitué une opportunité pour le recrutement de personnel à temps partiel. Les élus y ont pratiqué le traitement social du chômage avant que l’Etat n’use de ce procédé. Ce personnel se distingue entre agents d’animation et agents de service, ou agents techniques.
Une vague de régularisation du statut des agents contractuels et de titularisation a suivi l’entrée en vigueur de la loi de janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale. L’incidence sur les budgets des caisses des écoles fut significative. La crise sociale de 2009, marquée par une grève générale de 44 jours a fait ressurgir des revendications susceptibles de peser encore sur les finances communales. Dans ce contexte, les collectivités sont contraintes de reconsidérer la question de la gestion du personnel de leur caisse des écoles.
La restauration est une prestation de service qui ne nécessite pas un emploi à temps complet. Le personnel est occupé entre 3 heures par jour, pour les agents d’encadrement ou d’animation et un maximum de 5 heures 30 pour les agents de service et ce, à raison de 4 journées par semaine. Force est de constater par ailleurs que les agents affectés à la restauration ne sont pas tous logés à la même enseigne. Il existe une disparité concernant le nombre d’heures hebdomadaires de travail effectif. Dès lors, ceux qui, en dépit de leur cadre d’emploi, bénéficient d’un contrat de 35 heures, se voient contraints de devenir des agents polyvalents.
Par ailleurs, le fonctionnement global de l’école, pour la partie qui concerne la commune, « temps scolaire et temps périscolaire » devra être reconsidéré. Depuis une vingtaine d’année la pratique de la polyvalence a été adoptée de nombreuses collectivités. Les agents communaux qui exercent dans les écoles deviennent des polyvalents, passant de l’accueil des enfants, à l’entretien des locaux scolaires, à la restauration scolaire, voire parfois à l’exercice de fonctions administratives.
Dans la mesure où les seuls frais d’encadrement des jeunes convives peut représenter deux fois à trois fois le coût de production et de distribution des repas, des solutions alternatives, plus économiques sont recherchées.
Aujourd’hui, les conventions avec les associations se multiplient et les étudiants représentent dans certaines collectivités plus de 80% des agents occupés pendant la pause méridienne. Le poids de masse salariale devient ainsi moins déstabilisant pour le budget de fonctionnement. Une autre voie usitée est l’externalisation du service de restauration.
Externalisation, mutualisation ou réintégration ?
L’externalisation de la gestion du service de restauration et de l’entretien des écoles est une réalité au sein de certaines villes, ou dans le cadre de l’intercommunalité. Cependant, pour diverses raisons, des collectivités reviennent à la gestion en régie directe de leur unité de production. Elles y voient un moyen de pallier des reproches récurrents, une qualité de repas qui n’est pas toujours celle escomptée lors de la décision d’externaliser le service, et un coût final de prestation en constante augmentation. Par ailleurs, depuis une dizaine d’années, l’amélioration de la formation et de l’expertise des directeurs et gestionnaires de la restauration collective a eu pour conséquence d’améliorer de manière significative la gestion d’un service souvent décrié.
L’arrêt des activités de la caisse des écoles pourrait offrir l’opportunité de mutualiser les moyens et de renforcer la coordination des services de la ville. Vouloir conserver la caisse des écoles exige aussi une administration de qualité équivalente à celle de la ville à laquelle elle est rattachée. Or, les collectivités ne se sont pas toujours donné les moyens de doter leurs établissements publics, caisse des Ecoles, mais cela vaut pour les centres communaux d’action sociale, de moyens humains en adéquation avec les nécessités de leurs missions.
Par ailleurs, le risque de doublon existe, avec deux services des achats et des marchés, deux directions des ressources humaines, deux services techniques, etc.
La cessation d’activité d’une caisse des écoles doit se décider en conseil d’administration ou comité.
Elle ne peut procéder à l’évidence que d’une volonté politique municipale. Il est dans ce cas nécessaire de prévoir et d’organiser cet arrêt au moins deux ans avant le basculement de l’activité.
Une telle démarche suppose de préparer le personnel à cette mutation, très en amont, d’en informer à l’avance les partenaires, fournisseurs, administrations, organismes, prestataires, etc.
L’implication de la représentation du personnel est elle aussi tout à fait indispensable
A noter toutefois que la cessation d’activité de la Caisse des Ecoles n’entraîne pas systématiquement la disparition de l’établissement public. En application de l’article L.212-10 du code de l’éducation, c’est lorsque la Caisse des Ecoles n’a procédé à aucune opération de dépenses ou de recettes pendant trois ans, qu’elle peut être dissoute par une délibération du Conseil Municipal. Les comptes de la caisse sont ensuite arrêtés à la date de la délibération du Conseil Municipal décidant de dissoudre celle-ci. Le cas échéant, l’actif et le passif de la caisse seront repris dans les comptes de la commune.