Marie-Josée GENEVIEVE,
Directrice Générale Adjointe des Services, Ville de Baie-Mahault.

Jean-Sébastien GOTIN,
Responsable de la Gestion Budgétaire, Ville de Baie-Mahault.

Kenny CHAMMOUGOM,
Directeur Adjoint des Systèmes d’Information, Ville de Baie-Mahault

La péréquation : un objectif constitutionnel

La péréquation est devenue un principe intangible depuis la révision constitutionnelle de 2003 : « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Ce principe d’égalité entre collectivités est assuré :

  • De manière verticale par l’Etat , par le biais de dotations versées aux collectivités les plus pauvres. Ces versements aux collectivités les plus pauvres sont effectués sur la base de critères au regard de leurs ressources et charges.
  • De manière horizontale sur la base d’une solidarité entre collectivités. Les ressources fiscales des collectivités les plus aisées sont reversées à d’autres moins aisées.
Un nouveau fonds de péréquation : le F.P.I.C (Fonds de Péréquation des ressources communales et Inter-Communales)

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales a été créé par la loi de finances initiale pour 2012 et codifié aux articles L 2336-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

Il consiste à prélever un prorata de ressources fiscales de certaines intercommunalités et communes isolées afin de le reverser à celles moins riches. Entre autres, le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales aura pour vocation d’équilibrer les ressources entre les territoires, plus ou moins favorisés.

Dans un contexte de crise économique et de raréfaction des ressources, le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales consacre le désengagement de l’Etat en faisant de la péréquation horizontale, le flambeau de la réduction des inégalités entre collectivités.

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales s’inscrit par ailleurs comme une suite logique de la réforme fiscale qui a supprimé la taxe professionnelle.

Économie générale du dispositif encadrant la lisibilité du F.P.I.C

L’article 125 de la Loi de Finances pour 2011 a posé les principes de fonctionnement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (F.P.I.C) et en a fixé à 2012 la première année de répartition. Par ailleurs, l’article 144 de la loi de finances pour 2012 a fixé les modalités d’application du futur fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales, qui se mettra en place progressivement à compter de cette année 2012.

Pour précision, l’ensemble intercommunal pris en compte est l’entité constituée d’un Établissement Public de Coopération Intercommunale à fiscalité propre (E.P.C.I) et de ses communes membres au 1er janvier de l’année de répartition. De même, la commune isolée, désigne une collectivité non membre d’E.P.C.I à fiscalité propre.

Outre son principe même, l’innovation de ce fonds repose sur la mesure de la richesse, permettant de définir à la fois les contributeurs et les bénéficiaires au titre du fonds. Ainsi, chaque ensemble intercommunal et chaque commune isolée pourront être contributeur et /ou bénéficiaire au fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales, ou encore aucunement impacté par celui-ci (ni en terme de prélèvement ni en terme de redistribution).

Le Potentiel financier par habitant : nouvel indicateur de richesse consolidant l’efficacité du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales.

Le potentiel financier par habitant (P.F.I/Hab) incarne l’indicateur de richesse de l’ensemble intercommunal et de la commune isolée. Il se détermine de la sorte :

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Le P.F.I /Hab représente ainsi le paradigme référent permettant de mesurer les écarts de richesse entre les ensembles intercommunaux de catégories différentes et les communes isolées.

Dès lors que cet indicateur évalue l’ensemble des ressources d’une collectivité, la cohérence du dispositif veut que soient englobées la quasi-totalité des revenus fiscaux (Potentiel fiscal) ainsi que les recettes dites forfaitaires, attribuées de manière stable et pérenne par l’Etat aux collectivités locales au titre de la Dotation Globale de Fonctionnement (D.G.F).

Par ailleurs, afin de tenir compte du poids des charges des collectivités dont le niveau par habitant s’accroît en fonction de leur taille, les populations retenues pour le calcul des P.F.I /Hab sont pondérées par un indice démographique qui varie de 1 à 2, en fonction de la taille de la collectivité.

On distingue les situations suivantes :

  • population <= 7500 hab, le coefficient est égal à 1
  • 7500 hab < population < 500 000 hab, le coefficient est égal à 1 x 0,54 x log (population/7500)
  • population >= 500 000 hab, le coefficient est égal à 2. Ce coefficient conduit donc, à réduire le P.F.I /Hab au fur et à mesure de l’accroissement de la population.
Un prélèvement progressif reposant sur une assiette large de contributeurs.

Les territoires contributeurs sont les E.P.C.I ou les communes isolées dont le P.F.I /Hab est supérieur à 90 % du P.F.I moyen national par habitant.

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Il faut donc comparer l’indicateur de richesse d’une entité à la moyenne nationale. Ainsi, le prélèvement sera effectué sur les communautés dont le PFI/Hab est supérieur à 0,9 fois le P.F.I Moyen/Hab.

Cependant, les 150 premières communes du classement D.S.U sont exclues du prélèvement et les 100 suivantes minorées de 50 %.

Pour rappel, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (D.S.U) est une composante de la dotation globale de fonctionnement (D.G.F) des communes. En fait, elle a pour objet de contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées.

D’autre part, la contribution au fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales d’un E.P.C.I ou d’une commune isolée est fonction de l’écart relatif entre son P.F.I /Hab et le P.F.I Moyen/Hab, en tenant compte de sa population.

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Le principe consiste à mesurer l’écart entre l’indicateur de richesse du territoire avec la moyenne nationale. Plus l’écart est grand, plus le montant est élevé.

Toutefois, le prélèvement est plafonné à 10 % des ressources constituant les ressources fiscales de la collectivité. Par ailleurs, le prélèvement déterminé est opéré par voie de douzième.

Un reversement basé sur un indice simple de ressources et de charges

Les E.P.C.I et les communes isolées possédant un effort fiscal > à 0,5 représentent les candidats pouvant être éligibles au F.P.I.C. Pour mémoire, l’effort fiscal évalue la pression fiscale pesant surles contribuables d’une commune.

Parmi cette sélection, 60 % des ensembles intercommunaux possédant les indices synthétiques de ressources et de charges les plus importantes, sont bénéficiaires au titre du fonds. Toujours dans cet ensemble, les communes isolées éligibles sont celles dont l’indice synthétique de ressources et de charges est supérieur à l’indice médian.

Cet indice synthétique de ressources et de charges est composé à 60% du revenu par habitant, à 20%du P.F.I /Hab et à 20% de l’effort fiscal. Cette pondération assure un montant de redistribution plus important en direction des collectivités les moins pourvues.

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L’attribution revenant à chaque E.P.C.I et chaque commune isolée est estimée en fonction du produit entre sa population D.G.F et son indice synthétique de ressources et de charges. Toutefois, les reversements déterminés sont opérés par voie de douzième.

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Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales repose sur des principes simples, traduits par des règles conciliant lisibilité et efficacité

Après répartition du fonds, peuvent se présenter les cas de figures suivants :

  • un ensemble intercommunal ou une commune isolée peut être uniquement contributeur,
  • un ensemble intercommunal ou une commune isolée peut être uniquement bénéficiaire,
  • un ensemble intercommunal ou une commune isolée peut être à la fois contributeur et bénéficiaire,
  • un ensemble intercommunal ou une commune isolée peut n’être ni contributeur, ni bénéficiaire.

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La contribution ou l’attribution au titre du fonds, évaluée au niveau d’un ensemble intercommunal sera répartie entre cette entité et ses communes membres. Pour se faire, une répartition de droit commun est prévue en fonction de la richesse respective de l’ensemble intercommunal et de ses communes membres. En outre, par dérogation, l’organe délibérant pourra élaborer, à l’unanimité ou à la majorité qualifiée, une répartition alternative.

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Une quote-part destinée à l’Outre-Mer prélevée sur les ressources du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales

Les départements d’outre-mer (D.O.M), collectivités d’outre-mer (C.O.M) et collectivités à statut particulier doivent néanmoins participer au dispositif de solidarité nationale.

Il s’avère que seuls les D.O.M seront susceptibles d’être prélevés.

En effet, les C.O.M et collectivités à statut particulier ne peuvent, en pratique, être contributrices au titre du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales car leur P.F.I /Hab ne fait l’objet d’aucun calcul, compte tenu de la spécificité de leur fiscalité.

En outre, les D.O.M bénéficient d’une comparaison très favorable au regard de la métropole, compte tenu de l’exclusion de ressources découlant de fiscalité indirecte (octroi de mer) dans l’établissement de leur P.F.I /Hab. Toutefois, les simulations indiquent un nombre limité de communes prélevées.

D’autre part, le Gouvernement propose d’utiliser pour le reversement un système de quote-part. Celle-ci se calcule en appliquant un ratio de population majoré de 33% au montant du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales (250M€ en 2012), donnant un montant de 13 millions d’euros.

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales un dispositif perfectible ?

Depuis sa création, le F.P.I.C a fait l’objet de nombreuses contributions et analyses.

Quels regards les experts portent-ils sur le F.P.I.C dans sa forme actuelle ?

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales n’a pas fini de faire parler de lui. Au second trimestre 2012, plusieurs experts en finances locales ont exprimé leurs attentes et mises en gardes vis-à-vis du mécanisme.

Le premier est Gilles CARREZ, Président du Comité des Finances Locales (C.F.L.), qui à travers des échanges avec des directeurs territoriaux a annoncé qu’il ne croyait pas en la montée en charge du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales de 150 millions à 360 millions d’euros entre 2012 et 2013. Il explique que cette augmentation des prélèvements entraînerait une charge trop importante, qui serait difficile à supporter par les différentes collectivités. Selon le Président du C.F.L., la péréquation doit certes progresser, mais lentement, « si on ne veut pas la tuer ».

En sus de cette prospective, Gilles CARREZ insiste sur les nécessaires retours d’informations de toutes les collectivités impactées par le mécanisme du fonds. Ces échanges permettront bon nombre de corrections et d’ajustements au fonctionnement du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales. A ce propos, les parlementaires en discuteront dans le cadre de la loi definances 2013.

En marge des avis du Président Gilles CARREZ, deux autres experts, le Président du Conseil Général de l’Aube, Philippe ADNOT et Alain GUENGANT, Directeur de recherche au C.N.R.S (Centre National de la Recherche Scientifique) ont émis deux mises en garde sur les effets pervers du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales.

La première mise en garde est émise par le Président du Conseil Général, Philippe ADNOT qui invite les collectivités locales à revoir leurs dépenses en les optimisant. Il estime que la péréquation est nécessaire entre les collectivités locales. Néanmoins, elle ne doit pas récompenser les mauvais élèves qui, par exemple, n’étant pas attentifs aux risques, auraient contracté des emprunts toxiques. Le Président est solidaire, mais au profit de ceux qui n’ont pas pris de risques inutiles.

En somme, bien qu’étant favorable à la péréquation et conscient qu’il existe d’une part, de véritables écarts de richesse entre les collectivités et d’autre part, que le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales permettra d’aider financièrement certaines communes en difficultés, il insiste sur le calcul du mécanisme de la péréquation. Ce mécanisme devra être appréhendé en fonction des écarts de ressources et non pas en fonction des écarts de charges qui pourraient être volontairement ou involontairement biaisés afin de bénéficier du fonds. Il faut davantage de maîtrise des dépenses publiques.

La seconde mise en garde est expliquée par Alain Guengant. Tout d’abord, il rappelle l’un des objectifs principaux du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales à savoir : « favoriser l’égalité entre les collectivités locales en réduisant

les disparités de ressources et de charges, en d’autres termes les inégalités de pouvoir d’achat du potentiel fiscal, ou financier, en services publics locaux ». Le premier constat rappelle celui du Président du Conseil Général de l’Ain, le mécanisme actuel est construit sur des critères de ressources et de charges mal assurés. Le second point relève selon lui, du risque de l’incohérence territoriale. En effet, dans le système actuel, une commune « pauvre » dans un ensemble intercommunal « riche » pourra subir un prélèvement alors qu’une commune « pauvre » dans un ensemble intercommunal « pauvre » bénéficiera d’un reversement. A l’opposé, une commune « riche » dans un ensemble intercommunal « pauvre » pourra bénéficier d’un reversement alors qu’une commune riche dans un ensemble intercommunal « riche » subira un prélèvement. Ainsi, on peut donc s’attendre à des effets contrepéréquateurs entre communes et entre ensembles intercommunaux.

Enfin, afin de parfaire le dispositif du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales, Alain Guengant propose de supprimer la « dissymétrie actuelle des critères » et de redéfinir une mesure unique du pouvoir d’achat applicable aux reversements et prélèvements.

La dernière analyse choisie est celle de l’expert en finances locales : Michel Klopfer. Convaincu des bienfaits de la péréquation horizontale, il affirme qu’elle est absolument nécessaire. Les limites de la péréquation verticale ayant été atteintes, il fallait créer une péréquation entre les collectivités.

Selon Michel Klopfer, la mesure de calcul de richesse à savoir le potentiel fiscal intercommunal agrégé (P.F.I.A) est un bon outil pour tous les ensembles intercommunaux.

Autre fait nouveau, le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales pousse les communes isolées à se regrouper en des ensembles intercommunaux et à transférer leurs compétences. Cette mécanique leur permet de réduire leur potentiel fiscal et donc de ne pas souscrire aux reversements. Cependant, il attire l’attention sur les contre-performances liées par exemple aux transferts volumineux de compétences vers les ensembles intercommunaux sous prétexte qu’il n’existe pas de conseillers communautaires élus au suffrage direct. A terme, en cas de mauvaise gestion, cela pourrait plomber les E.P.C.I.

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales une solution en demi-teinte

Le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales, dispositif original certes, vu à travers le prisme de ces avis d’experts, ne pourra dans sa conception actuelle, apporter une solution pérenne à la réduction des inégalités entre collectivités.
Par ailleurs, il ne convainc pas non plus les élus, principaux acteurs concernés.
« Inéquitable », « injuste », « contre productif » sont les adjectifs utilisés pour récuser cette « taxe Robin des Bois ».

Après la suppression de la Taxe Professionnelle, le fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales est pour eux une pilule dure à avaler.

« Avec la T.P on profitait au moins de notre attractivité économique. On casse ce mécanisme, c’est la double peine : on va affaiblir les collectivités capables de créer de la richesse. » Tels sont les propos du maire de Chamonix Eric Fournier qui réagissait après avoir pris connaissance des simulations fin 2011 qui faisaient contribuer sa ville en 2015 à hauteur de 900 000 euros et la communauté de communes à 1.5 Millions d’euros, soit huit points de fiscalité selon lui.

D’autres élus de communes isolées ont compris qu’au niveau de l’intercommunalité le calcul serait plus « doux » et envisagent de rompre au plus vite leur isolement.

Selon l’agence Fitch Ratings : les villes riches seront encore plus pénalisées qu’auparavant, avec un transfert qui représenterait jusqu’à 15% de leurs ressources fiscales.

Enfin deux éléments tempèrent l’impact positif attendu du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales :

  • Le volume des crédits affectés à ce fonds : fixé à l’origine à 250 M€ pour 2012 et 1 mIlliard d’euros en 2015. Il ne sera finalement que de 150 millions d’euros en 2012 et 780 Millions en 2015.
  • Les modalités de classement des collectivités grâce au nouvel indicateur de richesse, le P.F.I.A : on peut s’interroger, sur l’absence dans le calcul du P.F.I.A de certaines ressources comme les produits des jeux de casinos ou a contrario sur l’intégration dans ce calcul, du Fonds National de Garantie individuel de Ressources (F.N.G.I.R) et de la Dotation de Compensation de la Réforme de la Taxe Professionnelle (D.C.R.T.P) qui sont des recettes figées.

Cependant, la force du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales réside dans l’instauration d’une solidarité intracommunautaire. L’intercommunalité en sort renforcée et devient l’échelon de référence en matière de redistribution des richesses.

Le Département de la Guadeloupe illustre ce constat. Les deux collectivités contributrices en 2012 au fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales sont deux communes isolées et pas des moindres :

  • Baie-Mahault à hauteur de 452 261 euros,
  • le Gosier pour 16 334 euros.

Parallèlement, l’ensemble des structures intercommunales perçoit un reversement au titre du F.P.I.C :

F.P.I.C-8

Ces trois ensembles intercommunaux « se taillent la part du lion » et perçoivent 554 051 euros tandis que neuf communes isolées se partagent 436 515 euros.

Les Communautés d’agglomération du Sud et du Nord Basse-Terre récemment créées ne sont logiquement pas éligibles, gageons que cela sera possible à partir de 2013…

Enfin, eu égard aux nombreux débats qui continuent d’animer les conseils communautaires et les conseils municipaux, il conviendra d’attendre désormais la position du nouveau gouvernement qui décidera de l’avenir du fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales…