Sandra VISCARD,
Chef de Mission Maitrise d’Ouvrage, Chef de projet TAONABA/Agenda 21
TAONABA (terme amérindien signifiant milieux humides) est le surnom donné au projet d’aménagement éco-touristique du canal Belle-Plaine, mené par la ville des Abymes sur sa façade littorale.
En effet, le littoral abymien, qui borde le grand Cul-de-Sac marin, est remarquable par l’importance et la richesse écologique de la zone humide (mangrove, arrière mangrove et formations associées) qui le recouvre entièrement.
Ce vaste réservoir de biodiversité, inscrit sur la liste des zones humides d’importance internationale (Convention RAMSAR), est reconnu comme réserve mondiale de biosphère et constitue l’une des zones coeur du Parc National de Guadeloupe.
Jouxtant cet espace naturel remarquable, le lieu dit Belle-Plaine, représente l’un des derniers bastions
de l’agriculture des Abymes. Y sont également présents un patrimoine culturel et historique d’importance à travers notamment les vestiges d’habitation sucrière et de sites amérindiens.
Jouxtant cet espace naturel remarquable, le lieu dit Belle-Plaine, représente l’un des derniers bastions de l’agriculture des Abymes. Y sont également présents un patrimoine culturel et historique d’importance à travers notamment les vestiges d’habitation sucrière et de sites amérindiens.
Sur le plan socio-économique, le territoire qui est une zone emblématique de la symbiose entre l’homme et son milieu, présente toutes les caractéristiques d’un bassin de vie.
Consciente de la richesse de ce patrimoine et de l’importance à la fois de le préserver et de le valoriser, la ville des Abymes a décidé de réaliser, au coeur du territoire de Belle-Plaine, un outil innovant, scientifique et ludique de connaissance et de recherche sur les zones humides littorales.
Survol historique – Le territoire de Belle – Plaine : entre agriculture et histoire, vers un développement local participatif
D’un point de vue historique, les terres situées dans la zone humide de Belle-Plaine étaient autrefois appelées « terres à palétuviers ». Toute l’Habitation Belle – Plaine, qui leur était associée, a d’ailleurs été le terrain d’évènements historiques d’importance.
Au XVIIIè siècle, l’Habitation Belle – Plaine est l’exploitation agricole sucrière la plus florissante de la société esclavagiste guadeloupéenne. Elle couvre 1200 ha, compte 4 sucreries, 250 esclaves et produit 500 T de sucre/an. Sur les 1200 ha de l’habitation, 600 ha sont occupés par la forêt marécageuse et la mangrove. Les « terres à palétuviers », comme on les appelle, sont exploitées pour le bois, l’élevage, la pêche, la chasse et les cultures vivrières.
En 1794, à la première abolition de l’esclavage en Guadeloupe, l’Habitation est désertée par les esclaves et mise sous séquestre. En mai 1802, Ignace qui revient de Basse-Terre avec ses troupes, y fait une halte pour se réapprovisionner en eau et en nourriture. Il y fera même des déclarations. Au rétablissement de l’esclavage, l’Habitation tente péniblement de se relancer en diversifiant ses productions (cannes, manioc, café, etc.). Mais en 1848, les esclaves, devenus nouveaux citoyens, la désertent de nouveau et l’exploitation subit une nouvelle crise de main d’oeuvre.
A la fin du XIXè siècle, l’habitation intègre le patrimoine de l’usine Darboussier. Jouxtant les immenses plaines cannières, de petits groupes d’ex-esclaves, alors dénommés « colons partiaires », exploitent la zone humide et vendent leurs productions (charbon de bois, produits du jardin) au marché de Pointe-à-Pitre.
Au XXè siècle, plusieurs grèves d’ouvriers agricoles éclatent à Darboussier. En 1931, c’est l’affaire des « terres à palétuviers ». Darboussier veut expulser les colons partiaires. Une solidarité se crée entre ouvriers agricoles, petits planteurs, et colons partiaires pour tenir tête à l’usine.
Il s’entame alors une guerre juridique acharnée contre l’usine, ponctuée d’affrontements avec les forces de l’ordre.
Un dénouement arrive en 1960 avec la réforme foncière qui fait suite à la crise de l’économie sucrière. Le patrimoine de Darboussier est racheté par le Département et une société de gestion des terres agricoles, la SAG. Ils le mettront en fermage, ce qui permettra aux agriculteurs de continuer à l’exploiter.
Description de l’opération
1. Une plate-forme éco-touristique intégrée
à son environnement
L’opération démarre en 1997, lorsque la municipalité signe une convention de mandat avec la SEMAG (Société Economie Mixte d’Aménagement de la Guadeloupe) pour la réalisation des travaux.
Il s’agit de créer, le long du canal Belle-Plaine qui débouche dans le grand Cul-de-Sac marin, une plateforme éco-touristique organisée en deux pôles : un pôle accueil et un pôle muséal.
Le pôle accueil, porte d’entrée du site, est positionné au début du canal. Il bénéficie d’une desserte très favorable : accessible depuis la RD106, il est situé à moins de 2 km de la RN5 et à 5 mn de l’aéroport Pôle Caraïbes et du bourg des Abymes.
Il est de surcroît à proximité immédiate des futurs projets structurants de l’agglomération pointoise (ZAC de la Providence, futur CHU, futur centre gérontologique, etc.)
Il est constitué :
- D’un parking visiteur et d’un parking d’appoint pour le personnel et la logistique.
- D’une billetterie.
- D’une boutique.
- D’un espace de restauration.
- D’une base nautique (stockage et réparation des embarcations : canoë, kayak, canot traditionnel).
- D’un embarcadère.
- D’une passerelle de franchissement du canal.
- Du départ du sentier de découverte le long du canal.
Le pôle muséal, plus en aval, situé en bordure de la zone humide littorale, constitue un poste avancé privilégié pour la découverte du milieu naturel.
Ainsi, au sein de la Maison de la Mangrove, le visiteur découvrira une exposition permanente mais évolutive sur la structuration et le fonctionnement des zones humides littorales. Il pourra également effectuer une immersion sur le terrain, à pied sec, grâce aux différents sentiers aménagés.
Ce pôle comprend :
- le bâtiment muséographique de la maison de la mangrove,
- un débarcadère,
- une passerelle de franchissement du canal à l’arrivée du sentier de découverte le long du canal,
- un sentier sur caillebotis (long de 800 m) à travers la forêt marécageuse, muni de carbets et de bancs de repos,
- un parking d’appoint.
Ces deux pôles seront doublement reliés, d’une part par le sentier pédestre et cyclable longeant le canal à travers les terres agricoles, et d’autre part par la liaison aquatique que constitue le cours d’eau Le parcours pédestre, long de 1,5 km, sera aménagé de carbets constituant des aires de repos et de ravitaillement (points de vente).
2. Un aménagement éco-responsable
Les bâtiments, matériaux et équipements ont été réalisés et sélectionnés de manière à optimiser la Maîtrise de la demande Energétique (MdE) et l’utilisation des énergies renouvelables.
Ainsi, en concordance avec sa localisation, la maison de la mangrove a été conçue dans le souci du respect des espaces naturels fragiles qu’elle côtoie : architecture bioclimatique, pas de raccordement au réseau d’électricité et d’eau, aménagements paysagers avec des espèces endogènes.
La construction des bâtiments d’accueil suivra, elle respectera les principes de Haute Qualité Environnementale (éco-construction, éco-gestion…). Concernant la navigation sur le canal, elle ne sera autorisée qu’aux embarcations à motorisation douce (électrique ou manuelle).
Enfin, une exigence particulière a été portée afin que l’ensemble du site soit accessible aux personnes à mobilité réduite.
3. Phasage des travaux
L’opération est scindée en trois tranches de travaux. Les deux premières tranches sont aujourd’hui achevées. Etalées de 1997 à 2002, elles ont permis de curer le canal pour lui rendre sa navigabilité et de réaliser une partie du pôle muséal.
Après une période marquée par des problèmes de financement et de pilotage, la troisième tranche, la plus lourde en termes financier et opérationnel, démarre en 2007. Elle prévoit de :
- finaliser le pôle muséal, en installant la muséographie dans la maison de la mangrove,
- construire le pôle accueil,
- élaborer le concept de gestion et le projet de territoire,
- installer des systèmes de récupération d’eau de pluie et des panneaux photovoltaïques sur tous les bâtiments,
- réaliser les aménagements pour l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite
- sécuriser les espaces.
Un véritable projet de développement durable
1. Une dimension sociale
Des premiers occupants amérindiens jusqu’aux exploitants agricoles modernes, en passant par les propriétaires fonciers actuels, le territoire de Belle-Plaine a été le témoin d’une histoire humaine riche et complexe. (cf. survol historique).
Tenant compte de cette identité marquée, la ville des Abymes veille, en parallèle des travaux d’aménagements, à fédérer l’ensemble des acteurs et habitants de la zone autour d’un projet de développement commun et cohérent, par la mise en oeuvre d’une politique de territoire.
Cette démarche de territoire s’inspire du principe de création des « Pays2 » définie par la LOADDT en 1999.
Elle vise ainsi à élaborer en concertation avec la population, une charte de territoire qui décrira les principes d’usages à respecter dans la zone.
En outre, certaines phases du chantier ont été réalisées en chantier école, dans une logique de formation et d’insertion des jeunes du territoire.
2. Une approche pluridisciplinaire et partenariale
Les instances de suivi et de pilotage du projet (Comité de pilotage, comité technique, comité scientifique… ) réunissent les services de l’Etat, de la Région, du Département, et des Chambres Consulaires, les instances de protection des espaces naturels, les élus de la ville des Abymes, les propriétaires fonciers de Belle-Plaine, les représentants des agriculteurs, des universitaires, des associations, des experts indépendants, des partenaires financiers… Ensemble, en concertation, ils valident les différentes phases d’avancement du projet.
3. Une dimension économique
TAONABA a pour ambition de devenir l’un des sites éco-touristiques majeurs de la Caraïbe. Situé dans un contexte géographique à haut potentiel (aéroport, CHU, ZAC de Dothémare… ), il pourrait accueillir 50 000 visiteurs par an et générer la création d’une trentaine d’emplois directs. Sans compter les emplois indirect induits par la création d’activités privées, en lien avec le site : gîtes, tables d’hôtes, camping, visite à la ferme, marché de producteurs…
On y trouvera, trois principaux types d’activités et de publics :
- une base de recherche scientifique sur les milieux humides telle la mangrove, à destination des chercheurs et étudiants,
- une offre éducative, en priorité à destination des scolaires, leur permettant une découverte ludique mais aussi scientifique de ces écosystèmes,
- une offre touristique grand public, pour les visiteurs locaux et les touristes, proposant une diversité d’activités d’intérieur et de plein air, à la fois pédagogique, ludique et innovante par rapport aux prestations déjà existantes en Guadeloupe.
Ainsi, de part ses objectifs de :
- Préserver les écosystèmes remarquables de la zone humide littorale et leur biodiversité,
- Etre un des moteurs de l’activité économique des Abymes, grâce à la valeur ajoutée de l’écotourisme,
- Améliorer les conditions sociales de la population en créant de l’emploi (direct et indirect),
- Offrir une meilleure qualité de vie aux habitants, en positionnant, aux portes de la ville, un espace de respiration et de détente,
Le projet TAONABA s’inscrit pleinement au sein des trois piliers du développement durable que sont la préservation de l’Environnement, le progrès Economique, et l’équité Sociale, auxquels s’ajoute la gouvernance participative induite par le projet de territoire.
Cette opération est ouverte au mécénat d’entreprises, et peut donc accueillir les financements des organismes souhaitant s’inscrire dans le développement durable. La Ville sera heureuse de montrer que ce projet est partagé par les forces vives du territoire.
Pour tous renseignements, adressez-vous à la ville des Abymes au : 0590 47 57 50
Contacts :
élue déléguée au Tourisme,
Mme Marie-Corine LACASCADE-CLOTILDE
(mclacascade@gmail.com)
ou chef de projet, Mme Sandra VISCARD
(sviscard@ville-des-abymes.fr)