Didier GÉROMÉGNACE,
ingénieur en Génie Electrique.
Régis GÉROMÉGNACE,
ingénieur en Genie Logiciel.
Tout comme l’approvisionnement énergétique ou le développement du tourisme sont des enjeux majeurs pour l’avenir de notre territoire, la transformation numérique de l’économie locale l’est tout autant car elle apporte des solutions aux handicaps de notre économie insulaire.
Les Technologies de l’Information et de la Communication en Guadeloupe ont souvent été assimilées à l’Internet Haut Débit. Alors qu’on aurait pu s’attendre à l’émergence de jeunes pousses proposant des services innovants profitant de l’accès haut débit apporté par le câble sous-marin, nous observons que les entreprises s’en tiennent toujours à proposer les mêmes types de service qu’auparavant, principalement des pages web d’information.
La Guadeloupe va-t-elle capitaliser sur l’investissement important – 22 Millions d’euros – réalisé afin de se raccorder aux “autoroutes de l’information” pour développer son économie ?
La nécessité de désenclaver l’île fut un impératif, en témoignent les initiatives des autres pays de la Caraïbe pour se connecter au réseau internet haut débit. Il faut se féliciter du dernier en date, Haïti, qui a inauguré son raccordement à l’internet haut débit cette année.
De même, si l’arrivée salutaire de la 3G a suscité quelques nouveautés en matière de services, nous constatons que l’ensemble de ces derniers est proposé par les opérateurs eux-mêmes.
Pourtant la Guadeloupe a des atouts pour tirer partie des innovations apportées par les Technologies de l’Information et de la Communication et favoriser l’émergence de projets d’envergure en matière de recherche et développement technologiques liés à la mise en oeuvre des Technologies de l’Information et de la Communication :
- Une position privilégiée et stratégique au carrefour des flux économiques et culturels de la Caraïbe et des Amériques, représentant une base avancée de l’Europe dans la zone.
- Des conditions de financement de la recherche liées à son statut européen.
- La présence d’infrastructures éducatives, techniques et de communication aux standards européens.
- Un environnement naturel combinant les caractéristiques de sa localisation tropicale, de son insularité ainsi que les spécificités de ses éco-systèmes marins et de sa biodiversité.
- L’existence de l’Université Antilles-Guyane ainsi que d’autres organismes réalisant des travaux de recherches sur des sujets d’intérêt local comme les énergies renouvelables.
- Un potentiel humain d’ingénieurs, de doctorants de techniciens de haut niveau, fruits de la mise en place il y a quelques années de filières de formations supérieures (classes préparatoires, écoles d’ingénieurs, etc).
- Une population qui n’a pas peur de s’approprier les Technologies de l’Information et de la Communication, en témoigne le taux de pénétration du mobile en Guadeloupe de 150,3% au premier trimestre 2012
Il faut maintenant se baser sur les réalisations effectuées en termes d’infrastructures (raccordement au réseau internet haut débit, réseaux A.D.S.L, 3G) pour favoriser le développement de services numériques innovants nécessaires à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité du territoire.
Si l’intérêt de l’innovation dans l’économie semble une évidence, les P.M.E locales, aux prises avec l’urgence du marché, n’ont pas toujours des moyens importants ou le temps nécessaire à consacrer à la recherche. Celle-ci en revanche est au coeur de l’enseignement supérieur universitaire.
Une caractéristique prioritaire de la démarche technopolitaine qui a conduit à la création de pépinières d’entreprises technologiques dans la plupart des régions françaises est le rapprochement de ces deux univers : l’entreprise et l’enseignement supérieur.
Il est impératif de mettre en place un lieu de création et d’expérimentation ayant pour objectif d’encourager la création d’entreprises innovantes exploitant les compétences technologiques et de recherche locales.
Si nous donnions aux jeunes entreprises locales l’opportunité de s’installer et de se développer il y aurait forcément de plus grandes possibilités d’emplois pour les diplômés guadeloupéens.
Il s’agit d’un pari gagnant sur l’avenir en soutenant la création de filières économiques porteuses qui vont irriguer et entraîner tout le tissu de PME locales.
Les jeunes entreprises en matière de recherche, de développement et d’innovation doivent pouvoir disposer d’un accompagnement spécifique, avec des moyens techniques et des services mutualisés, ainsi que des aides financières mobilisables notamment dans le cadre des pôles de compétitivité.
En effet pour une PME naissante, l’accompagnement dans une pépinière d’entreprises procure des locaux ainsi que des contacts précieux pouvant faciliter l’ouverture des portes d’organismes d’accompagnement et de financement tels OSEO.
Un autre enjeu important concerne les actions en matière européenne, car un tel outil pourrait assurer la poursuite et le renforcement de la mobilisation des fonds européens au profit de la Guadeloupe pour la prochaine période de programmation 2014-2020.
A titre d’exemple, l’île soeur a déjà misé sur l’avenir ! Grâce à l’impulsion des communautés de communes, il y a actuellement deux pépinières d’entreprises au Nord et au Centre de la Martinique et même un projet de réalisation d’un Centre Européen d’Entreprise et d’Innovation (C.E.E.I).
Si la Guadeloupe s’engageait à soutenir la filière des Technologies de l’Information et de la Communication, de grands noms de l’Internet pourraient concrétiser leur intérêt pour notre territoire, base avancée de l’Europe dans la zone Caraïbe Amérique Latine.
Il est temps d’encourager la création de start-up locales dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication, en mobilisant les collectivités et institutions publiques, les entreprises, les investisseurs privés, les banques locales autour d’un projet de technopôle pouvant rayonner sur la région.
Des exemples de formations en Technologies de l’Information et de la Communication en Guadeloupe
Le panel de formations sur les Technologies de l’Information et de la Communication proposé en Guadeloupe est très propice à la création d’un vivier de futurs acteurs d’une dynamique innovante dans ce secteur. Sans être exhaustif nous pouvons identifier trois cursus et/ou formations allant dans ce sens :
- Le cursus court (Bac+2) avec ses B.T.S formant des administrateurs réseaux et des développeurs d’applications.
- Le cursus long (Bac+5) avec le master informatique dispensé à l’Université des Antilles et de la Guyane ainsi que le diplôme d’ingénieur d’expert en système informatique proposé par SUPINFO Antilles-Guyane.
- La filière doctorante avec la formation de docteur en informatique présente à l’Université des Antilles et de la Guyane.
En plus de ces formations orientées vers les Technologies de l’Information et de la Communication, nous nous devons de citer d’autres formations qui touchent des domaines qui voient leur valeur ajoutée augmentée par l’apport des Technologies de l’Information et de la Communication. Nous pensons au B.T.S domotique et au B.T.S informatique et réseaux pour l’industrie et les services techniques. Dans la même lignée, nous ne pouvons ignorer le projet de création de la future école d’ingénieur en Génie des Systèmes Energétiques qui ouvrira ses portes en septembre 2013.
Deux exemples de services parmi d’autres pouvant être mis en œuvre dès maintenant
Un système d’information pour le transport interurbain
Le Conseil Général de la Guadeloupe dans son projet de réorganisation du transport public a amené les transporteurs à se réunir pour devenir des délégataires du service public de transport de passagers dans des zones prédéfinies. La réalité de cette réorganisation commence à se matérialiser aux yeux du grand public au travers des différents abribus qui ont fleuri aux quatre coins de la Guadeloupe. Cependant, si on se place du côté des utilisateurs de bus, une simple observation aboutit à la conclusion que les utilisateurs actuels sont ssentiellement ceux d’hier. Ainsi on voit toujours autant de voitures sur les routes de Guadeloupe. Pour attirer d’autres usagers on pourrait imaginer un service permettant à ces derniers de savoir en temps réel ou se situe leur bus. En effet, notre système de transport souffre d’une mauvaise image quant à sa ponctualité. L’usager serait beaucoup plus rassuré s’il pouvait consulter la position de son bus car cela lui éviterait de perdre du temps.
La mise en place d’un tel service est tout à fait faisable aujourd’hui grâce notamment aux technologies mobiles comme le G.P.R.S, la 2G (Edge) et la 3G et aux technologies de géolocalisation comme le G.P.S.
Applications domotiques et smartgrids
La gestion de l’énergie est un enjeu majeur du XXIème siècle. Ce n’est pas pour rien que l’Europe et singulièrement la France ont décidé de renforcer le financement de projets relatifs aux énergies renouvelables. En Guadeloupe nous sommes d’autant plus concernés car notre archipel ne dispose pas, comme dans l’Hexagone de l’énergie nucléaire. Ainsi, face à l’augmentation du prix du pétrole, notre facture électrique ne pourra qu’augmenter. A côté de cela, depuis quelques années les foyers guadeloupéens se sont habitués au traditionnel délestage d’électricité pratiqué par E.D.F lors des fortes chaleurs. Il est évident que la production électrique sera bientôt inférieure à la consommation. C’est à ce stade qu’apparaissent les smartgrids que l’on peut définir comme “un réseau de distribution d’électricité dit « intelligent » qui utilise des technologies informatiques et de télécommunications avec l’objectif d’optimiser le transport d’énergie des points de production à ceux de distribution. Ces réseaux doivent donc permettre de faciliter la mise en relation de l’offre et de la demande entre les producteurs, (notamment d’EnR) et les consommateurs d’électricité” (source: http://www.actuenvironnement.com).
Deux types de services peuvent être développés dans cette optique de réduction des dépenses énergétiques. Un service qui s’adresse uniquement au consommateur et un autre qui s’adresse au consommateur et au producteur d’énergie.
Dans le premier cas, on peut de nos jours développer un service qui permet au consommateur de connaître en temps réel la consommation énergétique de son domicile. En effet dans le domaine de la domotique que l’on définit comme “l’ensemble des technologies de l’électronique de l’information et des télécommunications utilisées dans les domiciles” (source: http://www.futura-sciences.com), un grand nombre de matériel sont à notre disposition.
Dans le second cas, nous pouvons aller beaucoup plus loin en prenant également en compte le producteur d’énergie. Sur la base du service développé ci-dessus, nous pouvons utiliser les informations de consommation recueillies pour optimiser la production d’énergie d’une source E.N.R (panneau solaire, éolienne).